Froid...  Impatient... Solitaire... Sans réelle attention pour qui que ce soit... Ce n’était pas ce qu’il était autrefois, mais ce qu’il est devenu aujourd’hui. À vrai dire, depuis la dernière année, Kaëran a considérablement changé. Pourquoi ? Tout simplement parce que sa mère est tombée malade et que son état empirait de plus en plus au fil des jours. La voir dans un tel état, alors qu’il n’existe aucun remède permettant au mal qui la ronge de disparaître, le détruit complètement. Sa mère est sa seule famille. Hormis elle, il n’y a personne d’autre. Son découragement ne fait donc que s’amplifier alors que l’espoir de la voir reprendre du poil de la bête s’effrite, tout comme son moral. Lui qu’on avait toujours cru inébranlable, le voilà qui chavirait littéralement... Autre chose : Il ne faut pas se mettre sur son chemin, car il ne fait pas preuve d’une grande tolérance envers son entourage, mis à part ses frères d’armes et encore. Donc, pour effacer sa peine et sa frustration, le jeune homme se consacrait corps et âme à sa profession et les soirs où la malade dormait, il filait se brouiller l’esprit à la taverne. Quelle vie pathétique n’est-ce pas ? Alors qu’auparavant, tout allait pour le mieux. Lui et sa mère vivaient tranquillement, celle-ci étant fleuriste. Naël était connu pour son magnifique sourire et sa façon de voir la vie d’une manière positive malgré l’abandon du père de son enfant. Cette femme était un rayon de soleil dans la vie de bien des gens de son entourage, dont son fils ... preuve que tout peut basculer n’importe quand.

Mais peut-être y a-t-il une petite lueur cachée au milieu de toute cette noirceur ?

Un homme parmi tant d’autres qui n’a rien de plus extraordinaire que ceux qui peuplent ces terres. En fait, notre soldat fait dans le mètre soixante-quinze. Cela ne le qualifie pas pour autant dans les plus grands. Sa musculature saillante fait cependant de lui un homme robuste et endurant. La raison ? Un bon maître d’armes, un entraînement intensif et beaucoup de motivation; ça ne forge pas seulement le caractère, mais aussi le physique. Mais remontons un peu plus haut, plus particulièrement sur ce regard qui en rend plusieurs bien curieux. Ce qu’il a de spécial ? Des yeux d’un bleu vifs, mais il y a quelque chose de plus; cette moitié d’iris verte qui entache son oeil gauche. Apparemment que ce trait serait un héritage de son père, qu’il n’a jamais connu d’ailleurs, tout comme ses traits fins, mais bien masculins. Le tout est encadré d’une chevelure en perpétuelle bataille. Une crinière brunâtre et indomptable mi-longue qui donne à Kaé ce petit air désinvolte qui fait craquer bien des femmes.

Pour ce qui est de la tenue vestimentaire, lorsqu’il ne porte pas l’armure, une tenue décontractée s’impose; chemise confortable avec manches repliées jusqu’aux coudes, pantalon sombre et bottes. Cependant, jamais il ne se détache de cette petite dague se trouvant à l’horizontale, dans son dos et accroché à sa ceinture. Sinon, à son cou se trouve une chaînette dorée assez longue où s’y rattache un anneau; la bague de fiançailles de sa mère qui n’en voulait plus.

Le calme n’avait jamais été bousculé depuis 195 années, mais les rumeurs couraient et ne cessaient d’être. Cette journée-là, le soleil était obstrué par d’épais nuages grisâtres qui menaçaient de déverser leur fureur sur Racium, cette splendide cité où il faisait bon vivre. D’ailleurs, il y avait quelques jours que les fleurs de la jeune herboriste n’avaient put profiter de s’abreuver. Mais la fin de journée approchait, comme la fermeture de la boutique d’ailleurs. Une journée peu chargée, car il faisait mauvais et qui avait cependant permis à Naël de terminer ses arrangements floraux pour un bal qui avait lieu le lendemain. Une fois les plantes à l’intérieur et l’établissement verrouillées à double tour, la jeune femme se rendit chez elle ou plutôt chez ses grands-parents avec qui elle résidait depuis la mort de ses parents. Mais comble de malheur, une pluie torrentielle se déversa sur sa tête en tournant un coin de rue. La pauvre était mouillée de la tête aux pieds et grelottait sous le souffle frais du vent qui léchait sa peau et ses vêtements. Les gouttes d’eau lui obstruant la vue, Naël ne prit pas garde où elle mettait les pieds et brusqua un homme en le bousculant. Ce fut cependant elle qui tomba à la renverse, atterrissant sur le fessier directement dans la boue.

‘‘ P-P-pardon ! Je ne vous avais pas vu avec toute cette pluie ! ‘‘

Mais il n’y eut aucune réponse, seulement une silhouette se dessinant devant elle et qui la recouvrait d’une cape tout aussi humide. Au moins, elle était désormais à l’abri du vent et de la pluie. Ses yeux bleutés se levèrent alors pour se noyer dans ceux de l’inconnu qui lui souriait doucement, repoussant une mèche de ses cheveux roux foncé jusqu’à l’arrière de son oreille droite. Le rouge lui monta aussitôt aux joues alors que l’étranger souriait de plus belle en lui demandant :

‘‘ Rien de cassé, belle demoiselle ? ‘‘

C’est ainsi que leur rencontre ce fut et celle-ci perdura près d’un an. Jusqu’au jour où Naël lui annonça qu’elle attendait un enfant. Le concerné, n’avait aucunement réagi à la nouvelle. Pas d’apparence du moins. Faisant mine de rien, celui-ci prétexta vouloir aller chercher quelque chose à la foire sauf que jamais il ne revint aux côtés de sa douce. Les premiers temps furent difficiles pour la pauvre Naël qui était éperdument amoureuse de cet homme dont elle ne connaissait que très peu de choses au final. Ce fut sa grand-mère qui s’occupa d’elle pendant sa grossesse, ainsi qu’une bonne amie. L’enfant vit le jour en une froide matinée d’automne, alors que les couleurs chaudes du feuillage des arbres battaient leur plein. Aucun pleur, peu de mouvement; on avait cru que le petit était mort né alors que c’était tout l’inverse. Le bras gauche s’activa, puis le bras droit et ensuite les jambes. On le nettoya rapidement puis on le recouvrit d’une couverture de laine avant de le donner à sa mère qui le contemplait avec des larmes de joie lui perlant les joues. Naël le baptisa Kaëran en l’honneur de son défunt père.

Cinq ans plus tard, la jeune mère retrouva un homme; un lieutenant oeuvrant au sein de l’armée de Racium. Celui-ci, bien que peu souvent présent, acceptait Kaé comme son propre fils et lui enseigna bien tôt l’art des armes. Bon, pas des armes tranchantes, mais bien des armes en bois accompagné de jeux qui ne pouvait qu’amuser l’enfant déjà âgé de cinq automne. Le petit s’avérait déjà bien habile et cette caractéristique se développa avec les années. À ses 17 ans, Kaëran était déjà un très bon combattant et ne cessait d’impressionner son maître d’armes, son mentor et aussi l’homme de sa mère. Le soldat ne manquait pas d’en faire part à ses supérieurs, désirant qu’un jour l’adolescent prenne son relais et assure la sécurité de sa mère. À ses 18 ans, Kaëran dut passer des tests au sein de l’armée de Racium. La plupart furent remportées avec brio, sauf la dernière. L’adversaire était rusé et puissant en plus d’être beaucoup plus costaud. Résultat; Kaëran était trop confiant et se fit plaquer au sol dans les premières secondes du combat. Ceci fut une véritable honte pour le jeune adulte qui dut se résoudre à s’entraîner et s’assagir avant de retenter l’expérience. Ce fut l’année précédente que sa chance tourna et on l’intégra au sein des soldats. Deux ans plus tard, ce fut le jeune Eira qui prit le poste de son mentor, décédé lors d’une mission d’investigation en vue de trouver le refuge des lycans et vampires. Beaucoup s’opposèrent à ce que Kaëran succède au précédent Lieutenant vu son jeune âge, mais celui-ci leur prouva rapidement sa bonne foi, sa maturité et ses compétences.

Un beau jour, alors que les feuilles rouges, jaunes et orangées des arbres dansaient au rythme du vent, Kaëran rentrait à la maison après une dure journée de travail. Naël l’attendait avec un large sourire devant l’entrée et le serra dans ses bras, ne touchant plus le sol puisqu’il son fils était bien plus grand qu’elle et surtout parce qu'il la soulevait de terre. Celle-ci avait les joues étrangement rougies et une étrange lueur dans les yeux. Depuis quelques jours, il lui arrivait de toussoter, mais sans plus alors Kaé ne s’inquiétait pas.

‘‘ Bon anniversaire fiston ! ‘‘ S’exclama-t-elle. Mais vu le regard que le concerné lui lançait ... ‘‘ Tu as oublié ?! ‘‘

‘‘ Oui je ... ‘‘ Avoua t-il. ‘‘ Est-ce que tu vas bien ? Tu es fiévreuse. ‘‘

Kaé avait posé la main sur son front, relevant par le fait même les cheveux qui lui barraient celui-ci. Constatant qu'elle faisait bel et bien de la fièvre, il l’entraîna à l’intérieur pour la couvrir d’une couverture de laine et l’asseya devant le feu qui brûlait sous la cheminée de leur humble maison. Sans trop tarder et malgré les réprimandes de sa mère, le jeune homme lui prépara une tasse de thé et vint prendre place à ses côtés, collant son épaule contre la sienne alors qu’elle commençait à tousser. Un moment, il eut peur qu’elle ne se crache les poumons. Le regard vairon du soldat se posa sur Naël qui lui souriait bêtement, lui faisant comprendre que tout allait bien et elle but quelques gorgées avant que le tout n’empire ...

Plus les jours s’effritaient et plus la mère se faisait faible, ne parvenant même plus à marcher seule. Son teint basané avait considérablement pâli et elle perdait du poids à vue d’oeil. Une prêtresse vint lui rendre visite, mais on ne put rien pour elle, disant simplement qu’elle avait attrapé la mort.

C’est à partir de ce jour que le monde se déroba sous ses pieds et que son soleil disparaissait...
Tranquillement, mais surement ...

Pseudo: Stefleur à tête brune
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