Deux heures du matin. Aucune lune et aucune étoile, que des nuages qui couvrait ce ciel sinistre. Vous savez, une de ces soirées où n'importe quel coupe gorge pourrait vous tomber dessus d'un instant à l'autre, s'amusant avec vos organes avant de vous laisser là, sans vie et sans la bourse. J'avais séduit un jeune garde, une recrue, pour qu'il garde ma porte à la place des vétérans qui se seraient rapidement douté de mon évasion. Bien sûr, mes parents m'auraient tout de suite décapité s'ils avaient apprit que je m'étais échappé des murs du château si tôt après son retour. Mais j'avais promis de le revoir, une promesse que je me devais de tenir. C'était donc sous une cape couleur bleue nuit que j'avançais dans cette sombre forêt.

Je l'avais rencontré quelques temps au par avant, alors que j'étais en territoire humain avec les rebelles. Contrairement à Alix il était mystérieux, intriguant. C'était un solitaire, une personne à l'esprit vif et n'hésitant pas une seconde à utiliser cet esprit pour meubler intelligemment une conversation. Immédiatement, j'avais appris à apprécier ce personnage, bien que ce ne fût pas réciproque à l'origine. J'étais une princesse, une elfe en plus, pour lui je n'étais qu'une enfant avec trop de pouvoir. Il fallut plusieurs mois avant que l'on puisse avoir une conversation, que je puisse connaître cet homme rusé et ingénieux. Il n'était pas un homme manipulable, pas comme la plupart des humains et elfes qui m'était donné de rencontrer dans ma vie. Sa nature réservé et prudente le rendait méfiant face à moi, méfiance qui avait pris plusieurs mois avant de s'estomper. Nous avions fini par nous entendre, créer des liens malgré que nous ne fussions tous deux pas vraiment du type à s'attacher. Nous avions bâtit une relation étrange, à la fois très proche et très distante, nous nous connaissions jusqu'au bout des doigts tout en restant à la fois de parfais inconnu l'un pour l'autre. Ses jeux de mots et sous-entendus, je les reconnaissais bien, pourtant je m'amusais à les ignorer pour le taquiner, jouer avec lui alors qu'il jouait avec moi. Etait-ce qu'un jeu entre deux êtres dont la route resterait toujours parallèle? Peut-être, mais j'aimais la situation comme elle était et je n'avais aucune envie qu'elle change.

J'étais donc là, à l'attendre doucement au pied d'un arbre où il m'avait donné rendez-vous. Assise au pied de ce grand chêne, j'étais presque invisible sous cette cape elfique qui étrangement s'adaptait très bien à cette noirceur. Je restais là, immobile à attendre d'être certaine que l'être qui approchait était bel et bien Halandas, restant invisible jusqu'au dernier moment.

Il avait toujours pensé qu'elle disparaitrait sans ne jamais revenir ou donner signe de vie. Ils s'étaient quittés sur une promesse de se revoir. Sans mot dire de plus, ni autres conventions. La séparation n'avait pas été trop difficile pour autant, puisqu'il n'y avait quasiment rien à séparer. Du moins, en ce qui le concernait, il avait facilement retrouvé sa vie d'avant. C'était donc non moins surprit qu'il découvrit ce message à son attention. En apparence, on aurait pu croire à une simple missive de courtoisie déposée ici-là, mais il fallait lire entre les lignes. Il reconnaissait bien là les ruses de l'elfe. L'Elfe. C'est ainsi qu'il la nommait, comme s'il n'y avait eu qu'une seule elfe. Il n'accordait que peu d'importance à son titre, cela ne changerait rien. Pour lui, c'était une elfe comme les autres. Même si elle était intelligente plus que de nature. Comprendre les choses avant mêmes que les autres n'aient pu l'apercevoir. Cela pouvait agacer les autres, ils pourraient se sentir idiots à côté. Mais Halandas non. Cela lui avait permit de vivre une expérience enrichissante aux côtés d'une personne talentueuse en son domaine.
Le message l'invitait sur le continent elfique. "Évidemment...". Il allait devoir s'aventurer sur des terres qu'il ne connaissait pas. Dans des décors qui changeaient radicalement de Racium. Mais au moins, personne ne le reconnaitrait là bas au moins. On l'oublierait vite. Mais si on le surprenait avec elle, cela causerait quelques tourments.

Il n'aimait pas quitter Racium, il avait besoin de cette connaissance du terrain pour se sentir à l'aise. Cependant, ce que voulait l'elfe l'intriguait au plus haut point. Ils ne s'étaient plus revus depuis qu'elle avait reprit le bateau pour repartir chez elle. On pourrait très bien se demander ce qu'un chasseur de prime pouvait faire avec une princesse. Ils s'étaient rencontré alors qu'elle était retenue captive chez les humains. Même si son passage aux côtés des rebelles se faisait de façon assez libre, elle ne pouvait s'en aller. Il avait été engagé par Alix, le chef de cette petite troupe de rebelle nommée Confrérie de l'Aigle libre, pour donner diverses informations sur les généraux humains qui les poursuivaient, vols de cartes et courriers confidentiels notamment. Ce qu'elle pouvait bien lui vouloir maintenant devait avoir une sacrée importance pour lui demander de faire un tel voyage. Les bateaux qui faisaient le transit entre les deux continents se faisaient plus rares qu'on ne pouvait le croire. Il faut dire qu'humains et elfes ne semblent pas vraiment s'apprécier plus que la courtoisie diplomatique ne le veut, ce qui rend le commerce hasardeux.

Quelques jours plus tard, le voilà qui déambulait dans les rues de la capitale elfique. Il essayait de ne pas trop attirer l'attention, mais c'était compliqué. Un humain au milieu de la capitale d'un peuple totalement différent. Comment passer inaperçu?
D'une façon ou d'une autre, il réussit à transmettre un message à la princesse. Lui donner rendez-vous près d'un arbre bien visible dans la forêt, histoire d'éviter les yeux indiscrets de la ville, même de nuit. Et dès qu'il faisait bien sombre, il se rendit sur place. La nuit était plus que bien avancée. Arrivant bientôt à destination, capuche et masque rabattus sur le visage. Il profitait des ombres pour avancer en silence et ne pas éveiller les soupçons des personnes encore éveillées. Il n'y avait personne près de l'arbre. Il continua à s'approcher, bien décidé à l'attendre. Un doute s’immisça quelque peu, se demandant si elle avait comprit qu'il l'attendrait ici. Ou si elle avait pu échapper à la vigilance de la garde du palais. Il s'assit donc contre le tronc du grand chêne. Un bruit de mouvement à ses côtés le mit sur la piste. Même si elle ne bougeait pas vraiment, et tentait de rester immobile, il venait de la remarquer cachée derrière sa cape. Il n'en fit rien, ne bougea pas la tête. Même si cela n'était pas visible, il souriait. Il prit une pomme dissimulait dans sa veste qu'il coupa en deux. D'un geste du bras, il tendit le morceau vers la princesse sans détourner le regard de devant lui.

- Je sais que c'est bien peu de choses à côté de ce que l'on vous sert dans votre Palais, mais cela reste très bon aussi.